Gentiloni à Il Foglio: "Les obligations? Il faut un plan de renaissance européenne à 1500 milliards avant la fin du printemps"

Claudio Cerasa

Extraits de l'interview du Commissaire européen à l'Economie, traduits en français

«Je veux être optimiste en pensant à l’avenir, à la possibilité d’un plan de renaissance. European Recovery Plan est l’expression qui fut utilisée par les Américains en 1947 pour soutenir l’Europe après la tragédie de la guerre. Par rapport à cette période-là, aujourd’hui l’Europe dispose des outils pour travailler à sa renaissance en s’appuyant principalement sur ses propres forces. Je pense que les mois à venir seront très durs. On peut le dire : il faut qu’on y arrive avant la fin du printemps.»

 

 

Pour quoi faire? «Au cours des prochaines semaines, on doit dessiner les contours d’un plan de renaissance qui permette aux États européens d’agir de manière coordonnée et convergente, pour soutenir l’économie quand les pays commenceront à rouvrir progressivement. Pour mettre en œuvre ce plan, j’imagine un fonds dont la dotation minimale, et je souligne minimale, devrait se situer aux alentours de 1 500 milliards d’euros. Les premiers 500 milliards ont été débloqués grâce au premier accord atteint la semaine dernière par l’Eurogroupe sur le MES (Mécanisme européen de stabilité). Les autres 1 000 milliards devront être récoltés en s’appuyant sur le bilan communautaire et sur l’émission d’obligations. Je suis persuadé qu’avant la fin du printemps on va atteindre notre objectif. On doit y arriver, car les pays européens, sans exceptions, risquent de subir une grave crise économique et financière quand le confinement va toucher à sa fin. C’est le moment de faire des choix communs, de réduire les désaccords, c’est le moment de la bataille contre les divergences. C’est le moment où toutes les institutions européennes doivent œuvrer pour affirmer une vérité qu’aujourd’hui m’apparaît comme une évidence : éviter que les écarts s’élargissent entre des pays qui ont une destinée commune, une monnaie commune, et agir pour une prise de conscience, chez ceux qui font partie d’une communauté, que les problèmes d’un pays ne sont pas seulement les problèmes de ce pays, mais de la communauté entière.»

 

«On doit aller au-delà des débats de ces dix dernières années et regarder la réalité des faits. Ne nous concentrons pas uniquement sur les outils, commençons au contraire à réfléchir sur les objectifs, en mettant en relation les «émissions» aux «missions». Il est évident que tout grand plan d’intervention économique passe par des émissions d’obligations : on ne peut pas financer des plans avec de l’or. Mais il est tout aussi évident que ces émissions d’obligations peuvent se faire seulement quand il existe un objectif concret, visible, clair et bien définissable. En clair, personne ne veut lier cette opération d’émission d’obligations à la mutualisation de la dette cumulée ces trente dernières années. Je le répète : personne. Bien au contraire. Ce n’est pas simplement de l’optimisme : je crois qu’aujourd’hui les conditions sont réunies pour partager la dette liée à cette urgence de manière temporaire, pendant une période définie et pour des objectifs précis. Pour faire cela, et je pense à l’Italie aussi, il faut déterminer les objectifs dans cette crise. Il faut bien évidemment donner des garanties pour que l’émission d’obligations soit liée à cette urgence et destinée à en financer la sortie de la crise et non pas, par exemple, à financer notre régime de retraite. C’est la position de l’Allemagne. Nous ne devons pas la condamner, mais simplement la comprendre.»

 

«Les enjeux économiques sont essentiels, bien évidemment. En tant que Commissaire européen à l’Économie j’y tiens tout particulièrement et je connais les risques que l’on court dans cette phase. Je crois que le débat sur la reprise avec une courbe en V ou en U est malheureusement dépassé. Les prévisions qu’on a élaborées, selon lesquelles chaque mois de confinement coûte environ trois points en moins de PIB à un pays, nous indiquent que la courbe de la croissance économique va beaucoup descendre. A un moment donné, la descente s’arrêtera, mais pour remonter il faudra du temps. Avec un plan de renaissance, je pense que la reprise sera possible en 2021. Pour 2020, la récession n’est plus un risque mais une certitude. Selon les estimations les plus fiables actuellement, la croissance en Europe en 2020 pourrait s’établir à -5%. Certaines prévisions sont plus pessimistes. Je présenterai les estimations officielles de la Commission Européenne le 7 mai. Mais dans une phase comme celle que l’on traverse actuellement, et indépendamment du rôle de chacun, je pense qu’il est impossible de gérer le rapport entre risque économique et risque sanitaire d’une manière différente que celle que nous avons choisie. Face à une pandémie, l’autorité publique a le devoir de faire prévaloir le risque de perte de vies humaines sur le risque de perte du PIB.»


  

Traduction: Mauro Zanon

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  • Claudio Cerasa Direttore
  • Nasce a Palermo nel 1982, vive a Roma da parecchio tempo, lavora al Foglio dal 2005 e da gennaio 2015 è direttore. Ha scritto qualche libro (“Le catene della destra” e “Le catene della sinistra”, con Rizzoli, “Io non posso tacere”, con Einaudi, “Tra l’asino e il cane. Conversazione sull’Italia”, con Rizzoli, “La Presa di Roma”, con Rizzoli, e "Ho visto l'uomo nero", con Castelvecchi), è su Twitter. E’ interista, ma soprattutto palermitano. Va pazzo per i Green Day, gli Strokes, i Killers, i tortini al cioccolato e le ostriche ghiacciate. Due figli.